Au Myanmar, un long métrage primé met en lumière une minorité incomprise

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Mu Dan, Mu Pau et Mu Lai – 3 femmes de la tribu Kayan Lahwi – représentées en train de rentrer dans leur village dans le film Kayan Beauties, qui a été largement salué au Myanmar et dans d’autres pays.
Mu Dan, Mu Pau et Mu Lai – 3 femmes de la tribu Kayan Lahwi – représentées en train de rentrer dans leur village dans le film Kayan Beauties, qui a été largement salué au Myanmar et dans d’autres pays.
YANGON, Myanmar, publié le 1 mai 2014 – Dans une ville rurale éloignée du Dou Ngan Kha, non loin de la frontière du Myanmar avec la Thaïlande, les tribus du peuple Kayan se réunissent chaque année pour un festival national. Par des cérémonies, de la musique et de la danse, l’événement annuel sert à préserver leurs traditions et à célébrer leurs réalisations.

Les Kayan, une partie de la minorité ethnique tibéto-birmane du Myanmar, ont vécu à cet endroit depuis des générations, mais, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, des troubles civils ont forcé de nombreux Kayan à fuir le Myanmar pour la Thaïlande. Souvent mal comprises dans leur propre pays, les femmes Kayan Lahwi se sont fait connaître dans le monde entier pour les colliers d’anneaux en laiton décoratifs qu’elles portent autour de leur cou.

Les actrices et les réalisateurs de Kayan Beauties lors de la 56e cérémonie des Annual Myanmar Academy Awards où le film a obtenu les prix de la meilleure photographie et du meilleur son. De gauche à droite : Nwe Ni Win, Nin Mai, Mu Tho, Aung Ko Latt, Hector Carosso, Rose Marie et Khin Mar Win.
Les actrices et les réalisateurs de Kayan Beauties lors de la 56e cérémonie des Annual Myanmar Academy Awards où le film a obtenu les prix de la meilleure photographie et du meilleur son. De gauche à droite : Nwe Ni Win, Nin Mai, Mu Tho, Aung Ko Latt, Hector Carosso, Rose Marie et Khin Mar Win.
Le festival, qui a eu lieu en avril, a mis à l’honneur deux cinéastes qui ont fait connaître la culture Kayan à un large public à travers un long métrage de fiction qui a été salué au Myanmar et dans d’autres pays.

Devant de hauts fonctionnaires, ainsi que de l’archevêque catholique romain de la région Matthias Shwe et de moines bouddhistes de haut rang, les créateurs de Kayan Beauties – le scénariste et réalisateur Aung Ko Latt, qui est un membre de la communauté bahá’íe du Myanmar, et le scénariste Hector Carosso de New York – se sont vu remettre des prix qui exprimaient la profonde gratitude du peuple Kayan.

Le film raconte l’histoire de trois femmes Kayan qui voyagent de leur village à une ville lointaine pour y vendre de l’artisanat. Une jeune fille qui a récemment acquis ses premiers anneaux de laiton les accompagne. Dans la ville, des trafiquants d’êtres humains enlèvent la jeune fille. Ainsi, loin de la maison et hors de leur élément, les femmes se retrouvent impliquées dans une recherche désespérée de leur amie.

Aung Ko Latt a d’abord visité la région il y a quelques années à la demande de l’archevêque Shwe pour enseigner la musique dans les villages. Il y est resté près de huit mois.

« Dès le tout début, j’ai ressenti un lien très fort avec les gens et avec leur culture, a déclaré M. Latt. L’archevêque a été un ardent défenseur des Kayan, leur offrant souvent un refuge ainsi qu’à d’autres groupes. C’est grâce à nos conversations qu’une idée pour le film a jailli dans mon esprit. »

Les groupes minoritaires sont, dans l’ensemble, marginalisés au Myanmar, a expliqué Hector Carosso, « et en ce qui concerne les films, ces groupes ne sont normalement pas pris en considération. Et l’horrible réalité de la traite des personnes s’accroît dans tous les pays du monde ».

Le désir de M. Latt de créer un film sur les Kayan a été très motivé par ses convictions bahá’íes. « Très simplement, l’humanité est une, a-t-il précisé. Kayan Beauties est un film pour tout le genre humain, contenant des leçons et des idées pour tous les êtres humains. Aucune religion n’accepte la discrimination, le trafic et la vente de personnes. La promotion de l’autonomisation des femmes est également très forte dans l’histoire. Elle montre que dans les zones et les villages éloignés, il y a de vraies personnes ; celles-ci ne sont en aucune façon inférieures aux habitants de la ville. »

Dans le film Kayan Beauties, les femmes Kayan Lahwi, Mu Yan, Mu Pau, Mu Dan et Mu Lai, sont présentées voyageant de leur village isolé jusqu’à la ville lointaine de Taunggyi pour y vendre de l’artisanat.
Dans le film Kayan Beauties, les femmes Kayan Lahwi, Mu Yan, Mu Pau, Mu Dan et Mu Lai, sont présentées voyageant de leur village isolé jusqu’à la ville lointaine de Taunggyi pour y vendre de l’artisanat.
La reconnaissance au Festival national de Kayan n’est pas la première occasion pour Kayan Beauties d’être salué au cours de ces derniers mois. Le film a reçu le prix spécial du jury au Festival international du film de l’ASEAN à Kuching, en Malaisie, en devenant le premier film de l’histoire du Myanmar à gagner une récompense internationale. En décembre dernier, lors de la 56e cérémonie des Annual Myanmar Academy Awards (Récompenses annuelles de Myanmar Academy), M. Latt a remporté un prix dans la catégorie du meilleur chef de la photographie et le film a également remporté le prix du meilleur son. Kayan Beauties était le premier film du Myanmar à intégrer la norme internationale de la technologie Dolby numérique du son.

Pour produire le film, ses responsables ont été confrontés à des obstacles techniques, logistiques et financiers importants et ils ont dû surmonter des problèmes de censure. Tout le matériel a dû provenir d’autres pays et l’équipe au Myanmar a dû être formée pour apprendre à l’utiliser. La permission devait également être demandée à plusieurs ministères pour que M. Carosso puisse entrer dans certaines des zones où ils ont filmé.

Malgré ces difficultés, le film a réussi à favoriser une plus grande compréhension des Kayan et de leur culture.

Le réalisateur Aung Ko Latt discute d’une scène avec ses actrices pendant le tournage de Kayan Beauties, un long métrage qui, pour la première fois, a porté la culture kayan à la connaissance d’un large public.
Le réalisateur Aung Ko Latt discute d’une scène avec ses actrices pendant le tournage de Kayan Beauties, un long métrage qui, pour la première fois, a porté la culture kayan à la connaissance d’un large public.
« Nous voulions montrer que les problèmes graves peuvent être abordés dans des films du Myanmar et que les gens iront les regarder, alors que l’hypothèse préalable était que seuls les comédies, les films d’action et les drames larmoyants pourraient captiver le public », a expliqué M. Latt.

« Le défi est maintenant, pour de futurs cinéastes au Myanmar, de traiter d’autres problèmes graves de façon spectaculaire et convaincante. »

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