Regard attentif sur la coexistence religieuse à la lumière d’événements récents

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NEW YORK, publié le 18 septembre 2014 – Quand, en avril 2014, un membre de la classe ecclésiastique d’Iran a offert une représentation calligraphiée des paroles de Bahá’u’lláh aux bahá’ís du monde, cet acte était sans précédent et contrastait singulièrement avec un contexte de 170 ans de persécution religieuse ininterrompue.

Une œuvre de calligraphie enluminée par l’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehrani, contenant les paroles de Bahá’u’lláh. La citation est la suivante : Fréquentez toutes les religions dans l’amitié et la concorde, afin qu’elles puissent respirer sur vous les doux parfums de Dieu. Veillez à ce que, parmi les hommes, la flamme de l’ignorance stupide ne vous domine. Toutes les choses procèdent de Dieu et retournent à lui. Il est la Source de toutes choses et, en lui, toutes choses finissent.
Une œuvre de calligraphie enluminée par l’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehrani, contenant les paroles de Bahá’u’lláh. La citation est la suivante : Fréquentez toutes les religions dans l’amitié et la concorde, afin qu’elles puissent respirer sur vous les doux parfums de Dieu. Veillez à ce que, parmi les hommes, la flamme de l’ignorance stupide ne vous domine. Toutes les choses procèdent de Dieu et retournent à lui. Il est la Source de toutes choses et, en lui, toutes choses finissent.

Alors que le don que l’ayatollah Hamid Masoumi Tehrani a fait à la communauté bahá’íe est très remarquable en soi, c’est, pour les bahá’ís, la motivation qui se trouve en son cœur qui mérite les éloges et l’attention du public. Le fait qu’il ait, par le passé, fait des ouvertures similaires aux chrétiens montre un profond désir de promouvoir la coexistence religieuse dans son pays natal. Pourtant, il n’est pas le seul ; des multitudes en Iran et dans le monde aspirent à la paix et à l’harmonie ; la plupart reconnaissent qu’ils ne savent pas comment cela peut être réalisé.

Une compréhension des circonstances historiques précédant la raison de ce don d’un haut dignitaire religieux fournit un point de référence dans la récente vague de commentaires et de réactions de la part des chefs religieux du monde entier sur la coexistence pacifique.

Contexte historique

Depuis 1844, année où la foi bahá’íe a été fondée, ses adhérents ont subi, sous les gouvernements successifs, une vague sans fin de persécutions. Plus de 20 000 fidèles ont été tués pour leurs croyances religieuses, et des milliers et des milliers de personnes ont enduré l’emprisonnement injuste. Exécutions, meurtres, tortures et agressions violentes ont été parmi les formes les plus manifestes de cette persécution.

Le 27 mai 2014, sept bougies ont été allumées par les représentants des grandes religions du Royaume-Uni lors d’un rassemblement à l’abbaye de Westminster, chacune représentant l’un des anciens responsables bahá’ís emprisonnés en Iran.
Le 27 mai 2014, sept bougies ont été allumées par les représentants des grandes religions du Royaume-Uni lors d’un rassemblement à l’abbaye de Westminster, chacune représentant l’un des anciens responsables bahá’ís emprisonnés en Iran.

Mais la persécution des bahá’ís en Iran a pris aussi d’autres formes : la confiscation généralisée des biens, des centres administratifs et des lieux saints ; la profanation de certains des sites les plus sacrés de la communauté ainsi que des cimetières ; le pillage des maisons, y compris des actes d’incendie criminel ; le harcèlement des enfants bahá’ís dans leurs salles de classe ; la propagation de déformations flagrantes des enseignements et de l’histoire de la foi bahá’íe dans les supports pédagogiques étudiés dans les écoles ; l’exclusion des jeunes de l’enseignement supérieur ; la suspension irrégulière de licences commerciales ; les fermetures de magasins ; et la liste est encore bien longue.

Aujourd’hui encore, dans les sermons religieux et dans les médias financés par l’État, les bahá’ís sont régulièrement présentés comme des hérétiques, associés à l’immoralité et à l’occultisme. En même temps, ils sont aussi régulièrement accusés d’être des espions pour différents gouvernements. Et les chefs religieux ont à plusieurs reprises incité les populations à la violence contre la communauté bahá’íe avec une impunité quasi-totale.

Depuis 1979, plus de 200 bahá’ís iraniens ont été tués et des centaines d’autres ont été torturés et incarcérés.

La maison du Báb à Shiraz, en Iran, l’un des sites les plus sacrés du monde bahá’í, a été détruite par les Gardiens de la révolution en 1979 et, plus tard, rasée par le gouvernement.
La maison du Báb à Shiraz, en Iran, l’un des sites les plus sacrés du monde bahá’í, a été détruite par les Gardiens de la révolution en 1979 et, plus tard, rasée par le gouvernement.

Et dans les années qui ont suivi la révolution, combien des auteurs de ces crimes odieux ont-ils été traduits en justice ? La réponse est : aucun.

Ne montrant aucun signe d’amélioration, la persécution des bahá’ís en Iran est une politique du gouvernement de ce pays. Mais ce sont les chefs religieux en Iran qui sont en grande partie à blâmer pour avoir suscité, dans la population, les préjugés et la haine à l’égard de la communauté bahá’íe. En effet, un mémorandum du gouvernement iranien, divulgué en 1993, indiquait que les progrès des bahá’ís dans la société iranienne devait être efficacement « bloqués » et portait la signature d’Ali Khamenei, le plus haut responsable religieux du pays. Et plus récemment, ce dernier a émis une fatwa dans laquelle il est demandé à la population de l’Iran d’éviter toute relation avec les bahá’ís.

C’est avec cet arrière-plan de préjugés religieux aveugles alimentés par les chefs ecclésiastiques que l’ayatollah Tehrani est devenu le premier religieux de son rang, dans l’Iran postrévolutionnaire, à mettre en évidence un principe fondamental bahá’í tiré du texte le plus sacré de la Foi1 et le droit de la communauté de pratiquer sa religion dans le pays de son origine.

Les mois qui ont suivi ont révélé à quel point son geste faisait écho à un désir profond chez les personnes de bonne volonté partout dans le monde, y compris les dirigeants d’un large éventail de religions et confessions, ainsi que des universitaires, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, à la fois en Iran et dans le monde entier.

Des iraniens influents, des militants des droits de l’homme, des journalistes et un éminent chef religieux réunis dans une démonstration de solidarité sans précédent pour commémorer le sixième anniversaire de l’emprisonnement de sept anciens responsables bahá’ís en Iran. L’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehrani est assis au premier rang, troisième en partant de la droite.
Des iraniens influents, des militants des droits de l’homme, des journalistes et un éminent chef religieux réunis dans une démonstration de solidarité sans précédent pour commémorer le sixième anniversaire de l’emprisonnement de sept anciens responsables bahá’ís en Iran. L’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehrani est assis au premier rang, troisième en partant de la droite.

Un mois après que l’œuvre calligraphiée était offerte, un certain nombre d’avocats célèbres des droits de l’homme en Iran ont pour la première fois collectivement exprimé leur soutien public aux bahá’ís et à leurs sept anciens responsables emprisonnés, à l’occasion du sixième anniversaire de leur incarcération. L’ayatollah Tehrani était présent à cette réunion, où il a déclaré : « Les manières de voir doivent changer… et je pense que c’est maintenant un moment propice pour cela. »

Au-delà des frontières de l’Iran, l’initiative de l’ayatollah Tehrani a également inspiré des réactions positives de la part de certains fonctionnaires de haut rang dans le monde musulman, donnant un nouvel élan au dialogue interreligieux qui prend forme dans leurs pays.

Ces conséquences ont touché la communauté bahá’íe non en raison de changements particuliers pour leur situation en Iran, puisque de récents rapports indiquent que la persécution de la communauté bahá’íe s’est en fait intensifié ces derniers mois, mais plutôt parce qu’ils se rapportent à l’une des aspirations les plus chères aux bahá’ís, dès les premiers jours de l’existence de leur religion.

Il y a plus de 100 ans, alors que ‘Abdu’l-Bahá, le fils de Bahá’u’lláh et le chef de la foi bahá’íe après sa mort, a séjourné durant une année en Égypte avant son voyage historique à l’Ouest, le thème de l’unité religieuse figurait souvent au premier plan dans ses échanges aves les personnalités et les médias.

Le livre Abbas Effendi comprend un récit de la visite de ?Abdu’l-Bahá en janvier 1913 dans la petite ville-marché de Woking, dans le sud de l’Angleterre, où la première mosquée construite à cet effet en Europe, en dehors de l’Espagne mauresque, avait été construite. ?Abdu’l-Bahá a pris la parole devant un rassemblement d’amis égyptiens, turcs, indiens et britanniques dans la cour de la mosquée. « La religion de Dieu..., leur a-t-il dit, encourage les gens à respecter le principe de la paix. La grande vérité sous-jacente de la religion de Dieu est l’amour. »
Le livre Abbas Effendi comprend un récit de la visite de ?Abdu’l-Bahá en janvier 1913 dans la petite ville-marché de Woking, dans le sud de l’Angleterre, où la première mosquée construite à cet effet en Europe, en dehors de l’Espagne mauresque, avait été construite. ?Abdu’l-Bahá a pris la parole devant un rassemblement d’amis égyptiens, turcs, indiens et britanniques dans la cour de la mosquée. « La religion de Dieu…, leur a-t-il dit, encourage les gens à respecter le principe de la paix. La grande vérité sous-jacente de la religion de Dieu est l’amour. »

Tandis que son voyage se poursuivait en Europe et en Amérique du Nord, il a réitéré au cours de plusieurs discours publics que, tout comme l’humanité est une, les religions sont aussi une, et bien que les formes extérieures des religions soient nombreuses, leur réalité est une, tout comme les « jours sont nombreux, mais le soleil est un ».

Plus récemment, dans sa lettre aux chefs religieux du monde en 2002, la Maison universelle de justice a identifié le préjugé religieux comme une force de plus en plus dangereuse dans le monde.

« Chaque jour, le danger grandit de voir les brasiers allumés par les préjugés religieux se multiplier et provoquer une conflagration mondiale aux conséquences inimaginables, avait-elle écrit. La crise exige des autorités religieuses qu’elles rompent avec le passé par une coupure aussi décisive que celles qui ont permis à la société de combattre les préjugés tout aussi corrosifs de race, de sexe et de nationalité. »

Le chemin à parcourir

L’histoire a démontré que même le plus petit acte peut avoir des conséquences d’une grande portée. Nonobstant le fait que l’incident peut-être le plus souvent cité à cet égard  l’assassinat de l’archiduc Ferdinand comme ayant déclenché la Première Guerre mondiale  est négatif, il est tout aussi vrai qu’un seul exemple d’altruisme peut susciter une augmentation de la conscience qui propulse finalement le progrès d’une communauté, d’une société, d’une nation, du monde.

Ceux qui cherchent des solutions au chaos provoqué à travers le Moyen-Orient en ce moment même reconnaissent volontiers que les préjugés sectaires et le fanatisme sont au cœur des problèmes inextricables qui assaillent les peuples de cette région. L’action menée par l’ayatollah Tehrani, un acte parmi ceux d’un grand nombre de personnes et de groupes motivés par un désir de paix, dévoile un processus parallèle qui se déploie en contraste avec les horreurs que l’extrémisme religieux est en train d’infliger au monde. Cet acte offre l’espoir d’un changement constructif et la possibilité que, dans une telle action, peut être glanée une graine qui, si elle est nourrie, peut finalement devenir un arbre qui, à son tour, deviendra une forêt.


  1. L’œuvre de calligraphie enluminée par l’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehrani est une citation de Bahá’u’lláh : « Fréquentez toutes les religions dans l’amitié et la concorde, afin qu’elles puissent respirer sur vous les doux parfums de Dieu. Veillez à ce que, parmi les hommes, la flamme de l’ignorance stupide ne vous domine. Toutes les choses procèdent de Dieu et retournent à lui. Il est la Source de toutes choses et, en lui, toutes choses finissent. » 

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