Grand succès pour une émission-débat télévisée finlandaise grâce à une formule originale

Partager cet article :

Aram Aflatuni, lors de l’enregistrement de son émission télé. Il travaille pour la télévision depuis 11 ans
Aram Aflatuni, lors de l’enregistrement de son émission télé. Il travaille pour la télévision depuis 11 ans
Helsinki, Finlande, publié le 15 janvier 2008 – Les émissions-débats télévisées utilisent souvent la contradiction comme formule pour augmenter leur audimat, mais un jeune producteur finlandais a créé une toute nouvelle tendance en mettant en place un modèle différent.

Dans son programme du lundi soir, Aram Aflatuni présente un problème, puis avec un groupe d’experts, il tente de le résoudre grâce à la consultation et la coopération.

« Je ne crois pas au journalisme conflictuel, relate-t-il, je ne pense pas que ce soit une manière efficace pour trouver des solutions.»

Son émission d’une durée d’une heure – « Härkää Sarvista » ou « Attraper le taureau par les cornes » – a conclut fin décemblre sa première saison de 15 épisodes. Elle a attiré pas moins de 345 000 téléspectateurs, avec une moyenne de 220 000 spectateurs par épisode, soit un total de 20% d’audience pour cette heure de diffusion.

En Finlande, les émissions de télévision cherchent souvent la confrontation et « Parfois un débat vraiment agressif, nous précise Juho-Pekka Rantala, un cadre qui travaille entre autres pour cette émission. « Härkää Sarvista » est différent. Cette émission recherche de véritables solutions ».

Les téléspectateurs sont invités à soumettre un problème pour une consultation. S’il est choisi, la personne est conviée sur le plateau afin de le présenter au groupe d’experts.

Monsieur Aflatuni, 31 ans, est membre de la foi bahá’íe et explique qu’il essaie d’utiliser le modèle de la consultation bahá’íe comme point de départ pour son émission.

C’est un modèle qui demande aux participants de rester personnellement détachés des idées présentées, étant donné que tout le monde cherche simplement la vérité ou le meilleur résultat. Personne ne « possède » ou ne s’attribue le mérite ou la responsabilité des idées émises pendant la consultation.

« Härkää Sarvista » regroupe différents types de consultants afin d’aborder un problème soulevé par une personne
« Härkää Sarvista » regroupe différents types de consultants afin d’aborder un problème soulevé par une personne
« C’est une émission courageuse, car elle est différente », relate Laura Jansson, une psychologue et une spécialiste des relations humaines, qui a déjà participé au programme.

« En principe, le modèle de la consultation est un élément essentiel de la réussite de l’émission, précise Madame Jansson, qui est, elle aussi, bahá’íe.

Mais les téléspectateurs et même les participants méconnaissent généralement les principes, qui sous-tendent cette émission. Toutefois, ce qui est plus évident, ajoute-t-elle, c’est le talent du présentateur à guider la conversation. »

« Les gens dans le monde d’aujourd’hui sont très égocentriques. Ils essaient tous de se mettre en avant et de paraître bon… Aram garde les gens centrés sur le problème et non sur eux-mêmes. »

Immigration, asile, schizophrénie, relations patron/employé, communication interculturelle et problèmes de soins médicaux sont des exemples de sujets qui ont déjà été abordés.

Une semaine, un jeune réfugié d’Érythrée qui était menacé d’expulsion a participé au programme et a souligné sa situation délicate. Pour analyser les solutions, Monsieur Aflatuni avait regroupé un homme de loi, un ecclésiastique, un psychologue, le dirigeant d’une Organisation Non Gouvernementale, un politicien et un autre réfugié.

La discussion a révélé quelques faits et a permis d’obtenir plusieurs idées, incluant des suggestions de la part de l’autre réfugié. Celui-ci proposait que le jeune homme reste dans la clandestinité et évite ainsi d’être expulsé.

Évidemment, les autres membres du groupe ne pensaient pas que ce soit la meilleure idée car entrer en clandestinité est illégal et aussi psychologiquement nuisible.

Le groupe d’experts a suggéré plusieurs façons pour que cet homme puisse rester légalement en Finlande et a aussi discuté de la manière dont il pouvait se préparer à la possibilité d’une expulsion.

Il s’est révélé que, bien que ce jeune immigrant ait un travail, son emploi n’était pas considéré comme un temps plein et ne satisfaisait donc pas les autorités.

Il n’y avait rien qu’un bon avocat ne puisse arranger en parlant aux différentes parties et plusieurs hommes de loi sont venus après l’émission offrir gratuitement leurs services. Monsieur Aflatuni a précisé que ce jeune homme ne fait plus face à une expulsion imminente et que son cas est en train d’être reconsidéré par les autorités.

Plus de détails

Le but de Monsieur Aflatuni, avec ce programme, est non seulement de promouvoir une résolution consultative de dilemmes individuels mais aussi d’ouvrir un regard plus large sur la société.

« L’émission a notamment pour objectif d’attirer l’attention sur des problèmes humanitaires, explique-t-il, ce qui implique parfois de faire pression sur le système actuel » en informant le public de situations difficiles ou d’injustices scandaleuses ».

« Les gens ont une vision très surfaite sur la situation des droits de l’Homme en Finlande », précise encore Monsieur Aflatuni.

Par exemple, un programme inaccoutumé a abordé le sujet des triplés et la difficulté pour les parents de classe sociale modeste de s’en sortir face à la naissance de trois nouveaux-nés.

Une femme de la “Triplet’s Association” (Association de triplés), a participé à l’émission et a expliqué qu’il est difficile de s’en sortir sans aide. Les autres invités du plateau étaient un père de trois jeunes triplés, ainsi que des triplés d’une trentaine d’années qui ont décrit leur expérience familiale.

A la suite de cette émission, une municipalité finlandaise a changé sa politique d’aide publique et offre maintenant une assistance, cinq jours par semaine, pour les familles avec trois bébés, explique Monsieur Aflatuni.

Les futurs projets de l’émission

Monsieur Aflatuni est déterminé à continuer d’explorer l’usage de la consultation à la télévision comme moyen de résolution de problème mais il précise tout de même que le défi est difficile.

Il avoue qu’« Il y a une pression sur moi afin que je transforme le show pour qu’il devienne plus conflictuel, mais je pense que ceci tuerait l’esprit et le concept de l’émission. Si nous amenons un élément négatif, nous détruirions le modèle de consultation que nous souhaitons développer ».

Il se souvient d’une émission où il avait invité des médecins et infirmières pour discuter de la crise des soins médicaux, mais l’ambiance était tendue et inévitablement la situation est devenue conflictuelle.

« C’est trop difficile de trouver des solutions dans ces circonstances », nous révèle-t-il.

Il nous précise que son plus grand succès a eu lieu avec un ancien prisonnier, âgé de 32 ans, qui venait d’être libéré de prison, après avoir été condamné à une peine de 10 ans de détention. L’homme semblait sérieux à propos de sa volonté de devenir honnête mais il se sentait très bouleversé par sa dette.

Au cours de l’émission, le groupe d’experts lui a conseillé, pour le moment, de rejeter toutes pensées au sujet de sa dette et de se concentrer sur l’obtention d’un travail. Ils lui ont aussi préconisé de montrer un aspect plus humble de sa personne que celui consistant à cultiver une image de « gros bras » ce qu’il l’aiderait davantage dans le monde du travail.

« Il a toujours un problème de comportement» raconte Monsieur Aflatuni en expliquant que ce jeune homme avait obtenu un travail mais qu’il l’a perdu peu de temps après. « Härkää Sarvista » pourrait revoir son cas et ouvrir une nouvelle discussion afin de rechercher pourquoi les choses ont-elles mal tournées et comment elles pourraient devenir meilleures.

L’idée de suivre une problématique, d’évaluer périodiquement la façon dont les solutions proposées fonctionnent et bien sûr de changer et de réajuster les propositions en cas de besoin, font aussi partie des objectifs de Monsieur Aflatuni pour ce programme.

Il précise que son plus grand défi en tant que producteur vient du fait que ce programme est basé sur un concept qui n’a jamais été utilisé auparavant.

« Nous n’avons pas d’exemple d’une émission semblable à la télévision, nous dit-il. Il aurait été beaucoup plus facile d’utiliser un modèle déjà existant. Toutefois il semble bien que nous sommes ceux, qui sont en train de mettre en place le modèle».

Partager cet article :