Un programme d’alphabétisation innovant donne des résultats spectaculaires au Ghana

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Les élèves de l’école primaire méthodiste d’Anyinabrim sont parmi les milliers qui utilisent le programme d’alphabétisation “Enlightening the Hearts” au Ghana
Les élèves de l’école primaire méthodiste d’Anyinabrim sont parmi les milliers qui utilisent le programme d’alphabétisation “Enlightening the Hearts” au Ghana
Village de Gonukrom, région occidentale du Ghana, publié le 22 février 2008 – Depuis des années, Owusu Ansah Malik pensait que sa langue maternelle, le twi, était une langue de deuxième catégorie, l’anglais, la langue nationale du Ghana, étant mise en avant dans son école.

Mais un programme qui offre de l’instruction, des livres et un encadrement en twi a permis à ce jeune de 16 ans de découvrir la valeur de sa langue maternelle et, par la même occasion, d’améliorer ses compétences en anglais.

Je pensais que notre langue ghanéenne était trop pauvre pour être étudiée, puisque son enseignement n’était pas encouragé, déclare Owusu, élève en 4ème au collège de Gonukrom. Mais avec ce programme, j’ai pris conscience de la richesse de notre langue et aussi qu’elle peut être étudiée. Ça m’a aussi aidé à lire plus facilement l’anglais.

Owusu est l’un des 22 000 étudiants au Ghana à avoir participé au programme d’alphabétisation “Enlightening the Hearts”, (Illuminer les cœurs), dont l’objectif est d’aider les jeunes de 9 à 15 ans à lire et à écrire dans leur propre langue.

Les écoles rurales isolées, comme l’école primaire d’Anyinabrim ici, sont la priorité du projet
Les écoles rurales isolées, comme l’école primaire d’Anyinabrim ici, sont la priorité du projet
Dirigé par l’ONG d’inspiration bahá’íe la Fondation Olinga pour le développement humain (« Olinga Foundation for Human Development »), ce programme a offert des formations, depuis l’an 2000, dans plus de 260 écoles primaires et collèges de la région occidentale du Ghana.

D’après l’opinion générale, le programme “Enlightening the Hearts” est un succès incontestable qui contribue à tripler le niveau d’alphabétisation parmi les participants et qui s’attire les louanges des étudiants, des parents, des enseignants et des responsables gouvernementaux de l’éducation.

La méthodologie rend très simple l’acquisition des compétences linguistiques, explique Samson Boakye, un enseignant à l’école primaire d’Anyinabrim. L’approche syllabique est excellente. Ensuite, il s’opère un transfert de connaissances depuis la langue ghanéenne vers la langue anglaise. Ainsi, les enfants lisent couramment l’anglais.

En plus de sa méthode particulière d’alphabétisation, le programme incorpore également des éléments d’éducation morale, en mettant en avant des vertus tirées des écritures religieuses, un autre aspect qui a aussi suscité l’approbation.

Des élèves étudient le matériel “Enlightening the Hearts” au collège catholique de Samreboi
Des élèves étudient le matériel “Enlightening the Hearts” au collège catholique de Samreboi
Si j’aime tant ce programme, c’est surtout à cause du côté moral du livre, qui sans aucun doute prépare les enfants à être de bon citoyens dans l’avenir ”, déclare Ayyub Yaku Aidoo, un enseignant de l’école primaire de Samreboi.

Les origines de ce projet remontent à 1996, quand la communauté bahá’íe du Ghana a démarré une campagne d’alphabétisation. Elle a ensuite été confiée à la Fondation Olinga en 2001, qui a été créée, elle-même, par un groupe d’éducateurs bahá’ís en 2000.

La fondation a été baptisée du nom d’Enoch Olinga, l’un des premiers Africains à accepter la foi bahá’íe. Sa mission est de promouvoir l’éducation universelle de base, de responsabiliser les jeunes et, selon son site web, “de mettre en place les compétences nécessaires pour faire aller de l’avant une civilisation en perpétuel progrès sur le continent africain”.

En plus de la campagne d’alphabétisation “Enlightening the Hearts”, la Fondation Olinga conduit trois autres programmes :
• un programme d’acquisition de compétences pour les dirigeants de communautés,
• une formation d’animateurs de développement communautaire
• et un projet de responsabilisation des jeunes.

Pour tous ses programmes, la fondation se base sur les principes spirituels et sociaux bahá’ís, mettant spécifiquement en exergue l’égalité de l’homme et de la femme, le droit à l’éducation universelle fondamentale et la nécessité d’éliminer les préjugés.

L’enseignante Victoria Kwofie dirige ses élèves dans leur travail à l’école primaire d’Anyinabrim
L’enseignante Victoria Kwofie dirige ses élèves dans leur travail à l’école primaire d’Anyinabrim
Pour l’instant, c’est le programme d’alphabétisation qui touche la plus grande part de population et qui a attiré le plus d’attention. “C’est notre programme principal, déclare Leslie Casely-Hayford, directrice de la fondation. Nous croyons que l’alphabétisation et l’éducation morale sont essentielles au progrès et au développement de la société.”

Pour en apprendre davantage

Le projet d’alphabétisation est actuellement actif dans deux districts de la région occidentale du Ghana, Wasa Amenfi Ouest et Wasa Amenfi Est, et les préparatifs pour proposer le programme dans un district de la région orientale du Ghana sont en bonne voie. La priorité est donnée aux populations scolaires isolées et défavorisées.

Une partie très importante du programme est de pouvoir atteindre les enfants des écoles des zones défavorisées, qui sont souvent loin de la route principale”, déclare Madame Casely-Hayford.

Une fois que les écoles sont sélectionnées, la fondation assure une formation spécialisée et une supervision sur place pour les enseignants. Elle fournit aussi des livres et d’autres matériels pour les étudiants. Entre 40 et 50 écoles sont choisies chaque année.

Le programme a donné des résultats impressionnants. Par ses propres sondages sur un échantillon donné d’écoles, le projet a montré que le taux moyen d’alphabétisation de base entre 2002 et 2006 était d’environ 17%. Parmi les élèves qui ont été testés après avoir suivi le programme de 10 mois, le taux moyen d’alphabétisation atteignait 52%.

Cette classe du collège catholique de Bremen fait partie de celles qui sont impliquées dans le projet, qui améliore l’alphabétisation dans la langue locale et en anglais
Cette classe du collège catholique de Bremen fait partie de celles qui sont impliquées dans le projet, qui améliore l’alphabétisation dans la langue locale et en anglais
Ceci représente un triplement du taux d’alphabétisation”, témoigne Madame Casely-Hayford, faisant remarquer qu’un rapport de 2004 de la Banque mondiale indiquait que l’alphabétisation chez les enfants ghanéens à l’école primaire était extrêmement bas. Selon une estimation de ce rapport, moins de cinq pour cent des élèves maîtrisaient l’anglais en 2000.

Une évaluation faite par le bureau de l’éducation du district a montré que les élèves des écoles qui participaient au programme avaient aussi des résultats exceptionnels dans les questions en langue ghanéenne du BECE, Examen du certificat d’études primaires (Basic Education Certificate Examination).

Le succès du projet découle, selon Madame Casely-Hayford et d’autres personnes, largement de l’utilisation de la langue locale comme langue d’alphabétisation.

L’expérience des cinq dernières années dans trois groupes de langues, (le twi, l’ewe et le dagbani), a démontré que cette approche accélère les capacités de l’élève à acquérir les compétences basiques d’alphabétisation, et améliore leur confiance en utilisant une approche phonétique et syllabique”, ajoute Madame Casely-Hayford.

Leonard Nubuasah, coordinateur national du programme pour la Fondation Olinga, affirme que beaucoup d’enfants deviennent rapidement alphabétisés durant les neuf mois du programme.

Les enfants peuvent facilement transférer leurs connaissances de l’alphabétisation de leur propre langue vers la langue anglaise”, explique Monsieur Nubuasah, un ancien enseignant qui a rejoint la Fondation Olinga depuis cinq ans.

Un autre élément clef de l’efficacité du programme est la motivation, qui est engendrée par l’accent mis sur l’éducation morale et l’utilisation des Écrits saints des trois religions principales pratiquées dans la région.

L’accès aux Écrits saints peut aussi stimuler la transformation individuelle et collective, raconte Mme Casely-Hayford. Cela assure aussi un développement des capacités humaines afin que le potentiel maximum de l’enfant soit réalisé.”

Les valeurs morales discutées dans les manuels sont la patience, l’honnêteté, la véracité, l’amour, l’humilité, l’obéissance, la pureté, la gentillesse et la modestie.

Nous avons utilisé ces neuf vertus parce qu’elles sont fortement intégrées dans notre société ghanéenne au niveau local, assure Monsieur Nubuasah.

Les prêcheurs chrétiens en parlent, les musulmans en débattent et on les trouve aussi dans la foi bahá’íe. Ce sont les trois religions principales ici et ces vertus sont les briques avec lesquelles se construisent nos enfants.”

Monsieur Nubuasah informe qu’un autre signe de la réussite du projet est le fait qu’environ 75 pour cent des écoles qui ont participé au programme, d’une durée de 9 mois, ont continué à utiliser par la suite la méthodologie. “Nous le savons parce que chaque année nous continuons à fournir les livres à ces écoles et à superviser le programme en visitant chaque établissement deux ou trois fois par an, si elle n’est pas trop isolée.

L’année dernière, Michael Nsowah, le directeur général intérimaire du Service de l’éducation ghanéen, a rédigé une lettre recommandant que les autres districts du Ghana réfléchissent à l’adoption du programme d’alphabétisation de la Fondation Olinga.

Les contenus ont été extrêmement efficaces dans les régions où ils ont été utilisés, a déclaré Monsieur Nsowah. Ils ont amélioré les niveaux d’alphabétisation et de lecture et ont introduit des valeurs dans le cadre de l’enseignement. Tous mes bureaux régionaux ont été satisfaits de leur travail. Ils réalisent un grand travail dans des endroits isolés qui sont difficiles d’accès. Ils apportent à la fois du matériel pédagogique et le développement de compétences. C’est une chose importante pour un pays comme le Ghana, qui n’a pas beaucoup d’argent” ajoute Monsieur Nsowah.

Grâce à l’accent mis sur la rigueur budgétaire, le programme a réussi à toucher un grand nombre d’enfants à travers la formation d’enseignants et la fourniture de matériel d’alphabétisation.

D’après Madame Casely-Hayford, le coût de l’ouverture d’un programme dans une nouvelle école et du soutien de l’école pendant une année est d’environ 300 $US.

La plus grosse part du financement du projet provient du Bureau de développement économique et social de la Communauté internationale bahá’íe. Il a aussi reçu des financements de la part de la Canadian International Development Agency, de l’Assemblée spirituelle nationale du Ghana et de la North American Women’s Association of Ghana, ainsi que d’autres groupes et individus à travers le monde.

L’accent mis sur les formations spécialisées dispensées aux enseignants est un autre facteur de la réussite du programme.

À ce jour, le programme a formé plus de 350 enseignants de primaire et de collège. La formation poursuit deux objectifs principaux : encourager et former les enseignants à améliorer la qualité de l’éducation dans les écoles à travers un meilleur enseignement de l’alphabétisation et à introduire les concepts d’éducation morale et de transformation personnelle.

Selon Monsieur Nubuasah, de nombreux enseignants manquaient au départ de motivation et de confiance pour enseigner la lecture et l’écriture aux enfants, spécialement en utilisant la langue locale.

“Mais les Écrits saints de la foi bahá’íe parlent expressément de l’importance de l’éducation et du statut des enseignants, dit Monsieur Nubuasah. Cela devient une source de motivation.”

Selon Entwi Bosiako, le directeur de l’école primaire de Gonukrom, la méthodologie enseignée par la Fondation Olinga était simple et facile à utiliser, de même que les manuels.

“Ceci m’a motivé à enseigner la langue ghanéenne, déclare Monsieur Bosiako, qui a 39 ans. Les Ecrits saints utilisés comme bases de réflexion durant les ateliers de formation sont aussi une source d’inspiration et de motivation.”

Les responsables de l’éducation dans le district affirment que la réussite du programme va bien au-delà de la simple promotion de l’alphabétisation.

“Nos élèves avaient des problèmes de lecture, dit Nana Bobbie, directeur assistant du bureau de l’éducation du district de Wassa Amenfi Ouest. Quand Olinga a démarré, nous avons vu les progrès dans les endroits où ils travaillaient. Nous avons aussi vu que les gens commençaient à parler de valeurs, et ça nous a impressionnés. Le travail qu’ils mènent a donc eu un bon impact sur l’éducation dans son ensemble.”

“De plus, les enseignants (…) sont maintenant enthousiasmés par la formation. Je crois que c’est là une autre clef de la réussite de la fondation.”

“Nous apprécions vraiment leur aide, déclare Monsieur Bobbie. La moralité est tombée si bas au Ghana. Cela faisait longtemps que nous cherchions un moyen d’arranger la situation. C’est alors que la Fondation Olinga est venue avec ses livres et ses valeurs. Nous aimons vraiment l’éducation morale qui va de pair avec la campagne d’alphabétisation.”

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