L’histoire de Shoreh ou comment l’Iran spolie les droits d’une étudiante de haut niveau.

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GENEVE, publié le 5 octobre 2011– Comme beaucoup de jeunes à travers le monde, Shohreh Rowhani a grandi avec l’immense espoir d’accéder à une éducation universitaire.

Mais maintenant elle se heurte à un système – qui bien qu’il promette en apparence des opportunités – est en fait cruellement conçu pour la bloquer, ainsi que d’autres jeunes Iraniens de manière à ce qu’ils n’obtiennent jamais de diplôme.

Mlle Rowhani est de confession bahá’íe et son expérience est d’autant plus injuste qu’elle fait partie des étudiants les plus doués d’Iran ; dans son pays, elle s’est classée 151ème après avoir passé l’examen universitaire national dans sa matière de prédilection qui est l’étude des langues. En d’autres termes, ses résultats l’ont placée parmi les 1% des meilleurs candidats qui ont passé l’examen.

Encouragée par ses notes impressionnantes, Mlle Rowhani – qui est originaire de la ville de Nowshahr au nord de l’Iran – a commencé le processus en ligne de sélection de ses cours. Mais lorsque les résultats de ses requêtes ont été répertoriés, elle a découvert que sa demande avait été rejetée en raison d’un « dossier incomplet ».

C’est une expression bien connue des jeunes bahá’ís. Depuis plusieurs années maintenant, cette mention a souvent été employée en tant que l’une des quelques ruses conçues dans le but de les empêcher de s’inscrire, même s’ils ont réussi les examens nationaux universitaires.

Sans se démoraliser, Mlle Rowhani s’est courageusement rendue au bureau régional qui administre le processus des examens et elle a demandé aux autorités de lui expliquer ce qui n’allait pas avec son dossier.

« Ils m’ont dit que ce qui se passait provenait du fait que je suis bahá’íe », a-t-elle raconté dans une lettre envoyée récemment à plusieurs organisations des droits de l’homme.

« Puisque vous êtes bahá’íe, vous n’avez pas le droit d’entrer à l’université », lui a-t-on encore exposé.

Elle a décidé de porter son cas à un niveau supérieur, réussissant à obtenir un entretien avec le chef du département des admissions.

Lors de l’entrevue, ce haut fonctionnaire a simplement « exprimé ses regrets pour cette affaire et m’a dit qu’il ne pouvait rien faire » , a relaté Mlle Rowhani. Il a ajouté qu’ «il n’y a aucune issue à ce problème et que même si vous entriez à l’université, vous seriez expulsée après trois ou quatre trimestres ».

Elle lui a alors demandé si les résultats auraient été différents si elle avait dit qu’elle était musulmane.

Il a répondu que cela ne « faisait aucune différence, maintenant qu’ils me connaissaient », a-t elle écrit. « Le ministère des Renseignements a déjà identifié votre famille et tous les bahá’ís. »

« Ils m’ont dit que je n’obtiendrais aucun résultat, quelle que soit la personne à qui je pourrais m’adresser », a-t-elle encore raconté.

L’expérience de Shohreh Rowhani est aussi une histoire bien connue de milliers de bahá’ís d’Iran à qui l’accès aux études supérieures est refusé à cause de leur religion.

Même pour les plus chanceux à qui une place avait été accordée, leur expulsion intervenait ensuite souvent au cours de leurs études. Durant les derniers mois, deux étudiants à l’université de Technologie d’Isfahan ont été empêchés de s’inscrire pour le trimestre suivant, toujours pour cause de « documents incomplets » ; un bahá’í, étudiant en littérature anglaise, a été expulsé de l’université de Kerman ; un étudiant en génie biomédical à l’université de Sahand a été renvoyé ; et un étudiant en physique à l’université de Mazandaran a été expulsé après avoir terminé huit semestres sur le tableau d’honneur et obtenu une admission à un master.

Trois décennies d’exclusion

Toutes sortes de méthodes ont été utilisées par l’Iran depuis la révolution islamique de 1979 dans le but d’empêcher les bahá’ís de se présenter à l’université – premièrement, en les expulsant tous, puis ensuite en imposant une interdiction absolue à leur accès à l’enseignement supérieur.

En réponse à la condamnation internationale, le gouvernement iranien a changé les règles en 2003, déclarant que les bahá’ís pouvaient maintenant passer l’examen. Mais lorsque près de mille bahá’ís se sont présentés de bonne foi, ils ont rencontré de nouveaux obstacles.

Dans un premier temps, les examens ont été retournés avec « islam » écrit dans la case prévue pour l’appartenance religieuse – quelque chose d’inacceptable pour les bahá’ís, à qui il est demandé par leur foi de dire à tout moment la vérité et particulièrement au sujet de leur croyance religieuse.

Shohreh Rowhani, originaire de Nowshahr en Iran, a été classée parmi les 1% des meilleurs candidats qui ont passé l’examen national d’entrée à l’université. Mais elle a été exclue de l’éducation supérieure parce qu’elle est bahá’íe. Son histoire est ici relatée sur un site web des droits de l’homme en langue persane.
Shohreh Rowhani, originaire de Nowshahr en Iran, a été classée parmi les 1% des meilleurs candidats qui ont passé l’examen national d’entrée à l’université. Mais elle a été exclue de l’éducation supérieure parce qu’elle est bahá’íe. Son histoire est ici relatée sur un site web des droits de l’homme en langue persane.
Le gouvernement a alors expliqué que le mot « islam » faisait référence uniquement au test particulier sur la religion que chaque candidat doit passer, permettant ainsi aux bahá’ís de bonne conscience de s’inscrire à une école supérieure. Ainsi, au milieu des années 2000, un grand nombre de bahá’ís sont alors entrés avec succès dans diverses universités à travers tout le pays – seulement pour s’apercevoir que bien souvent ils en étaient exclus juste après leur inscription.

En mars 2007, par exemple, l’agence Reutersa rapporté que quelque 70 étudiants bahá’ís avaient été expulsés durant cette année scolaire des universités d’Iran. Dans ce rapport, un porte-parole anonyme pour la mission iranienne aux Nations unies a été cité avec cette réponse : « Personne en Iran n’a été expulsé de ses études à cause de sa religion. »

Après un autre tollé international, l’Iran a de nouveau changé de tactique. Les bahá’ís qui avaient passé l’examen ont alors commencé à s’apercevoir que leurs résultats étaient tout simplement bloqués. Lorsqu’ils allaient visiter le site national dédié pour voir leurs résultats, beaucoup recevaient un message disant que leurs « dossiers étaient incomplets», les laissant ainsi dans une attente bureaucratique.

« Des pratiques injustes et tyranniques »

Dans une lettre ouverte envoyée le mois dernier au ministre iranien de l’Enseignement supérieur, la Communauté internationale bahá’íe a lancé un appel pour l’arrêt des « pratiques injustes et tyranniques » qui excluent les bahá’ís et d’autres jeunes Iraniens des universités.

La lettre mentionne aussi les attaques du gouvernement contre l’Institut bahá’í d’éducation supérieure (IBES), une initiative informelle de la communauté prise par les bahá’ís pour éduquer leurs jeunes qui sont exclus de l’université. En mai, des agents du gouvernement ont effectué des descentes dans les maisons de plus de 30 personnes en lien avec l’IBES et 14 d’entre elles ont été arrêtées. Sept enseignants ont comparu cette semaine devant la cour de justice. Une douzaine de personnes supplémentaires, comprenant des étudiants, ont été appelées pour un interrogatoire – le tout dans la ferme intention de mettre fin à leur projet.

« De telles actions, comme vous le savez, ont été menées en tant que politique gouvernementale officielle et dans le cadre d’une campagne systématique d’élimination de la communauté bahá’íe en tant qu’entité viable dans votre pays», dit la lettre ouverte, adressée à Kamran Daneshjoo, le ministre de la Science, de la Recherche et de la Technologie.

Pour Shohreh Rowhani et ses coreligionnaires, le combat pour leur droit à l’éducation supérieure continue.

Dans sa lettre adressée aux organisations des droits de l’homme, elle a exprimé son désir que chacun devrait « savoir de quelle manière absurde mes droits ont été violés».

Couverture du Bahá’í News Service de la persécution des bahá’ís en Iran

•Le Bahá’í World News Service a publié un rapport spécial qui comprend des articles et des informations sur la campagne de l’Iran visant à refuser l’éducation supérieure aux bahá’ís. Il comporte des nouvelles concernant les derniers développements, un résumé de la situation, des articles spécifiques, des études de cas, des témoignages d’étudiants, des références et des liens : http://news.bahai.org/human-rights/iran/education/

•Une autre section présente des articles et des informations sur les les sept responsables bahá’ís) iraniens– leur vie, leur emprisonnement, leur procès et leur condamnation – et les accusations à leur encontre. Il offre aussi des informations supplémentaires sur les persécutions de la communauté bahá’íe d’Iran :http://news.bahai.org/human-rights/iran/yaran-special-report/

•Pour des informations en français, vous pouvez consulter sur ce site officiel des bahá’ís de France le dossier Iran.

•La page International Reaction de Bahá’í World News Service est régulièrement mise à jour avec les réactions de gouvernements, d’organisations non-gouvernementales et de personnalités éminentes aux mesures prises contre les bahá’ís d’Iran.

•La page Media Reports présente un résumé de la couverture médiatique mondiale.

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