Liberté religieuse en Egypte : deux jugements attendus

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carte_Egypte_595.jpg Le Caire, Egypte, publié le 20 décembre 2007 – Deux jugements du Conseil d’Etat égyptien sont attendus en début de semaine prochaine dans deux affaires concernant la politique gouvernementale relative à l’identification religieuse mentionnée sur les papiers d’identités. Ce sujet a été vivement débattu en Egypte durant les derniers mois et a attiré l’attention internationale des défenseurs de droits de l’Homme.

Le premier cas concerne une action intentée par le père de deux jumeaux qui cherche à obtenir des actes de naissance en règle. Le second concerne un étudiant qui a besoin de sa carte d’identité pour pouvoir se réinscrire à l’université.

Dans les deux cas, un « jugement final » est attendu de la part du Conseil d’Etat égyptien le 25 décembre 2007.

Dans les deux cas, les plaignants n’ont pu obtenir de papiers d’identité au motif qu’ils sont bahá’ís.

« L’injustice dont se rend coupable le gouvernement égyptien de par sa politique d’affiliation religieuse sur les papiers d’identités est de plus en plus reconnue à travers le monde et le Conseil d’Etat a, une fois de plus, une chance de corriger cette injustice » a déclaré Bani Dugal, la principale représentante de la Communauté internationale bahá’íe.

Elle ajoute : « L’année dernière, sous la pression de fondamentalistes musulmans, le Conseil d’Etat avait réformé un jugement qui avait imposé au gouvernement d’apposer sur les documents officiels le mot « bahá’í ». Ces deux nouveaux cas offrent une solution de compromis en demandant seulement que le champ comportant l’affiliation religieuse soit laissé en blanc ou comporte la mention ‘Autre' ».

Brenda Abrar, porte-parole des bahá’ís de France souligne : « Les égyptiens bahá’ís ne demandent pas la reconnaissance de leur religion, mais seulement la reconnaissance de leurs droits de citoyens égyptiens à part entière, conformément au droit égyptien et aux traités internationaux auxquels l’Egypte est partie. »

En effet, le gouvernement exige que tous les papiers officiels comportent la mention de l’affiliation religieuse en restreignant néanmoins le choix aux trois religions officiellement reconnues, l’Islam, le Christianisme et le Judaïsme. Les bahá’ís sont dès lors dans l’impossibilité d’obtenir des papiers d’identité car ils refusent de mentir au sujet de leur affiliation religieuse.

Sans carte d’identité – ou, comme dans le cas des jumeaux, sans acte de naissance – les bahá’ís et d’autres citoyens égyptiens, victimes de ces exigences légales contradictoires, sont privés de nombreux droits liés à la citoyenneté comme l’accès à l’emploi, à l’éducation ou aux services médicaux et financiers.

Pour en savoir plus :

Ces problèmes ont d’ailleurs été soulignés dans un rapport publié au mois de novembre 2007 par Human Rights Watch et l’Initiative Egyptienne pour les Droits Individuels (Egyptian Initiative for Personal Rights).

Selon ce rapport : « Les employeurs, tant publics que privés, ne peuvent, de par la loi, embaucher quelqu’un sans carte d’identité et les institutions éducatives l’imposent pour l’inscription. Obtenir un certificat de mariage ou un passeport nécessite un certificat de naissance ; le versement d’un héritage ou de pensions de veuvage dépendent d’un certificat de décès. Le Ministère de la Santé a même refusé la vaccination à certains enfants bahá’ís au motif que le Ministère de l’intérieur ne délivre pas les actes de naissance listant leur religion bahá’íe. »

Les actes de naissances sont le noeud du problème en ce qui concerne les jumeaux de 14 ans, Imad et Nacy Hindi. Leur père, Rauf Hindi avait, à leur naissance, obtenu des actes de naissance mentionnant leur affiliation bahá’íe.

Mais, selon la nouvelle politique, les actes de naissance doivent maintenant être informatisés et le système informatique empêche le choix d’une religion autre que l’une des trois religions officiellement reconnues. Sans actes de naissance, les enfants ne peuvent donc pas s’inscrire à l’école en Egypte.

Le second cas a été initié par l’Initiative Egyptienne pour les Droits Individuels (IEDI) au nom de Hussein Hosni Bakhit Abdel-Massih, étudiant de 18 ans, qui a été suspendu de l’Institut supérieur de travail social de l’Université du Canal de Suez en janvier 2006 parce qu’il ne pouvait obtenir de carte d’identité. Cela au seul motif qu’il refusait de s’identifier, faussement, comme musulman, chrétien ou juif.

Dans les deux cas, les avocats représentant les bahá’ís ont clairement indiqué qu’ils étaient prêts à interrompre la procédure si des documents officiels laissant le champ de l’affiliation religieuse en blanc ou éventuellement avec la mention « Autre » étaient délivrés.

Cette solution est ce qui différencie ces deux cas du premier qui a été rejeté par le Conseil d’Etat l’année dernière, selon Hossam Baghat, directeur de l’IEDI.

« La décision négative du Conseil d’Etat nous a contraint d’intenter de nouvelles actions, » déclare Monsieur Baghat dont l’organisation a été à l’avant-garde de la défense des égyptiens bahá’ís. « Les faits sont très similaires au cas que nous avons perdu l’année passée, mais nous demandons cette fois-ci des documents sans affiliation religieuse. »

« Pour nous, ceci constitue un réel test pour le gouvernement et le pouvoir judiciaire. Si le problème réside dans le fait que la foi bahá’íe n’est pas reconnue en Egypte, il ne devrait alors y avoir aucune raison de refuser à ces citoyens égyptiens des documents qui leur sont nécessaires pour la vie quotidienne sans aucune référence à la religion. »

Monsieur Baghat explique aussi en quoi ces cas ont des implications pour la liberté religieuse en général en Egypte.

« Jusqu’ici, le problème n’affecte que les égyptiens bahá’ís. Toutefois le même problème peut se présenter en théorie avec des égyptiens bouddhistes ou hindouistes. Mais cette question est aussi importante pour des personnes qui ne souhaitent s’identifier à aucune religion, ce qui est un droit garanti par le droit égyptien et international. »

Pour les égyptiens bahá’ís, la vie quotidienne continue à se dégrader en l’absence de solutions, déclare Labib Hanna, un porte-parole de la communauté bahá’íe d’Egypte.

« Nous ne pouvons rien faire sans papiers d’identité valables, » déclare le Dr Hanna, Professeur de mathématiques à l’Université du Caire. « Nous ne pouvons pas renouveler notre permis de conduire, nous ne pouvons pas obtenir d’emploi permanent et nous ne pouvons pas envoyer nos enfants à l’école. »

Selon lui, de nombreux bahá’ís parviennent à faire face aux besoins de la vie quotidienne en occupant des emplois temporaires, en se fondant sur des relations établies avec des banques, des écoles ou d’autres institutions ou en continuant à utiliser les anciennes cartes d’identités sur lesquelles d’autres options étaient ouvertes s’agissant de l’affiliation religieuse.

« Nous essayons de survivre, » déclare le Dr. Hanna, « Mais c’est de plus en plus difficile. Nous nous battons. »

Pour plus d’informations sur la situation en Egypte : http://www.bahai.fr/egypte

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