« Il n’existe pratiquement aucun aspect de la vie des bahá’ís en Iran qui ne soit affecté » : en Iran, le système judiciaire détourné pour persécuter la plus large minorité non-musulmane du pays

Partager cet article :

whatsapp_image_2025-12-09_at_10.47.46_0

PARIS, le 10 décembre 2025 — Les autorités iraniennes intensifient leur répression contre les bahá’ís, en multipliant récemment les lourdes peines de prison et les confiscations de biens, ont déclaré aujourd’hui la Communauté internationale bahá’íe (BIC) et Human Rights Watch.

Entre juin et novembre 2025, la BIC a recensé plus de 750 actes de persécution à travers le pays, soit trois fois plus que durant la même période en 2024. Ces incidents comprennent plus de 200 perquisitions de domiciles et de lieux d’activité, suivies d’interrogatoires, conduisant à la détention et à l’arrestation d’au moins 110 bahá’ís. Les tribunaux révolutionnaires ont tenu des audiences pour plus de 100 personnes et prononcé de nouvelles peines allant de deux à dix ans d’emprisonnement. Au moins 45 personnes ont été convoquées pour commencer à purger leur peine durant cette période. Parmi les personnes emprisonnées figurent des mères séparées de leurs jeunes enfants.

« Les autorités iraniennes persécutent implacablement les bahá’ís, les privant des droits humains les plus élémentaires d’une manière qui s’apparente à des crimes contre l’humanité continus — uniquement en raison de leur foi », a déclaré Bahar Saba, chercheuse principale sur l’Iran à Human Rights Watch. « Il n’existe pratiquement aucun aspect de la vie des bahá’ís en Iran qui ne soit affecté par ces violations flagrantes et ces crimes au regard du droit international. »

La répression actuelle du gouvernement, qui s’est intensifiée après le conflit Iran–Israël en juin 2025, a entraîné arrestations arbitraires, interrogatoires, condamnations injustes, emprisonnements et confiscations de biens.

« Un système judiciaire qui devrait garantir l’équité, la neutralité et servir de refuge contre l’oppression se transforme au contraire en arme de persécution contre les bahá’ís, les dissidents et d’autres minorités religieuses et ethniques en Iran », a déclaré Simin Fahandej, représentante de la Communauté internationale bahá’íe auprès des Nations unies à Genève.

Les juges en Iran font preuve depuis longtemps d’une négligence alarmante envers la procédure régulière et d’une profonde hostilité religieuse à l’encontre des bahá’ís, la plus grande minorité religieuse non-musulmane du pays. Depuis quarante-cinq ans, un ensemble de documents politiques — élaborés conformément à un mémorandum signé en 1991 par le Guide suprême — révèle la politique délibérée et systématique du gouvernement visant à persécuter les bahá’ís, notamment par le biais du système judiciaire.

En avril 2025, l’Union européenne a imposé des sanctions contre plusieurs structures du pouvoir judiciaire iranien ainsi que contre des juges et procureurs pour violations des droits humains, dont la persécution des bahá’ís.

« Affaire après affaire, le pouvoir judiciaire iranien démontre sa réticence à exercer son devoir sacré de promouvoir la justice », a poursuivi Mme Fahandej. « Il a au contraire entaché ses mains et son bilan par des verdicts imprégnés de persécution et de préjugés religieux. Ces décisions ont été rendues par des juges qui, encore et encore, n’ont recherché non pas la justice, mais l’extinction de la communauté bahá’íe, contribuant directement à la machine étatique de persécution. »

La dernière vague de persécution des bahá’ís se caractérise notamment par des détentions dans des conditions pouvant constituer des disparitions forcées et par l’allongement des peines de prison à l’issue de procès profondément inéquitables. Dans certains cas, les tribunaux ont imposé des peines sévères après que la Cour suprême a annulé les verdicts et ordonné de nouveaux procès, et des responsables ont rouvert des procédures pénales après des acquittements.

Selon des informations obtenues par la BIC, le 12 novembre, les forces de sécurité ont arrêté à Gorgan (province du Golestan) Farhad Fahandej après avoir perquisitionné son domicile et saisi ses effets personnels. Son lieu de détention, les raisons de son arrestation et les éventuelles charges retenues contre lui sont restés inconnus durant des semaines. M. Fahandej avait déjà passé 15 ans en prison en raison de ses convictions religieuses.

Fin octobre 2025, à Semnan, Anisa Fanaian — auparavant emprisonnée — a été condamnée à huit ans de prison par la 10ᵉ chambre de la Cour d’appel de Semnan sur la base d’accusations vagues. Ce verdict est intervenu après que la Cour suprême a annulé une précédente décision défavorable à son encontre à la suite d’une demande de réexamen judiciaire, renvoyant l’affaire pour un nouveau procès.

Dans une autre affaire extrêmement préoccupante, qui illustre clairement l’usage du pouvoir judiciaire comme instrument de répression, les autorités ont rouvert des dossiers pénaux visant 26 bahá’ís à Shiraz. D’après la BIC, ces 26 personnes avaient été acquittées après que la Cour suprême avait annulé en 2022 leurs condamnations et leurs peines et ordonné un nouveau procès. La réouverture des poursuites aurait été initiée à la demande d’un ancien chef de la justice provinciale, conformément à des procédures internes suggérant fortement l’implication directe du chef du pouvoir judiciaire. La BIC indique également que nombre de ces 26 bahá’ís avaient été torturés et maltraités lors de leur arrestation initiale en 2016. Dans un incident révélateur des violations les plus élémentaires des garanties procédurales, l’ancien chef de la justice aurait insulté l’avocat de la défense lors d’une réunion de suivi, l’aurait expulsé de son bureau et déclaré : « Ce ne sont pas des suspects, ce sont des criminels. »

Dans une affaire à Kerman, le 29 novembre 2025, l’ONG pour les droits humains en Iran HRANA a rapporté que la Cour d’appel provinciale avait condamné Shahram Fallah, 64 ans, à neuf ans et six mois de prison — réduits de plus de treize ans — ainsi qu’à un an d’exil intérieur pour « activités éducatives et de propagande déviantes contraires à la charia » et « formation d’un groupe visant à perturber la sécurité nationale ». Ces accusations reflètent celles souvent utilisées pour criminaliser les convictions bahá’íes pacifiques.

À Hamadan, six femmes bahá’íes — Neda Mohebbi, Atefeh Zahedi, Farideh Ayyoubi, Noura Ayyoubi, Zarrindokht Ahadzadeh et Jaleh Rezaie — ont été placées en détention le 26 octobre pour purger leurs peines d’emprisonnement. Les autorités avaient condamné cinq d’entre elles à six ans de prison et la sixième à sept ans. Elles étaient accusées « d’activités éducatives et de propagande déviantes contraires à la charia » ainsi que « d’appartenance à la secte bahá’íe ».

À Karaj, Nahid Behrouzi a été condamnée le 6 octobre à une peine sévère, comprenant cinq ans de prison et la confiscation de biens personnels, pour « activités éducatives et de propagande déviantes contraires à la sainte charia ». Selon la BIC, plusieurs agents l’avaient violemment arrêtée sans mandat le 29 août 2024. Elle avait subi des ecchymoses et un saignement de nez. Elle avait ensuite été détenue pendant 65 jours sans accès à un avocat ni à des soins médicaux appropriés. Lors de son procès, son avocat s’était vu refuser l’accès complet au dossier, et aucune preuve n’avait été présentée pour étayer les accusations.

À Shiraz, Roya Sabet, résidente des Émirats Arabes Unis venue en Iran pour s’occuper de ses parents âgés, a été arrêtée le 25 octobre 2025 par des agents du Corps des gardiens de la révolution islamique et transférée à la prison d’Adelabad pour exécuter une peine de dix ans de prison précédemment prononcée. Selon la BIC, elle avait été condamnée en mai 2025 sur la base d’accusations infondées de « collaboration avec des citoyens du gouvernement israélien » et de « constitution d’un groupe opposé à la sécurité nationale ». Elle fait également l’objet d’une interdiction de voyager de deux ans et d’une interdiction de cinq ans d’activités en ligne.

Dans une autre affaire révélatrice de l’intensification de la répression visant les femmes bahá’íes, le 28 septembre 2025, les autorités ont confirmé des peines de cinq à dix ans de prison à l’encontre de dix femmes bahá’íes à Ispahan pour « propagande contre la République islamique » et « participation à des activités éducatives et de propagande déviantes contraires à la sainte charia ».

La politique d’appauvrissement économique des bahá’ís se poursuit également sans relâche. Dans une affaire récente à Ispahan, la BIC a constaté que les autorités avaient invoqué l’article 49 de la Constitution — une disposition permettant à l’État de saisir des biens « illégaux » — pour confisquer les propriétés légitimes de 20 bahá’ís dans la province, y compris leurs maisons, véhicules et comptes bancaires, sans procédure régulière.

« Toutes les personnes impliquées dans des crimes relevant du droit international commis contre les bahá’ís en Iran, y compris les responsables du ministère public et de l’appareil judiciaire, doivent être tenues responsables », a conclu Bahar Saba de Human Rights Watch.

 

Contact

Hiram BOUTEILLET,
Bureau des affaires extérieures des bahá’ís de France
01 45 00 69 58 / 06 42 26 24 89 – hiram.bouteillet@bahai.fr

Partager cet article :