Opprimés dans la vie et persécutés dans la mort : les bahá’ís sont empêchés d’être enterrés dignement dans leur propre cimetière

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Le 30 mars la dépouille d’un bahá’í est enterrée par un agent du ministère du renseignement au-dessus d’une fosse commune à Khavaran près de Téhéran, sans que la famille du défunt n'en soit informée.
Le 30 mars la dépouille d’un bahá’í est enterrée par un agent du ministère du renseignement au-dessus d’une fosse commune à Khavaran près de Téhéran, sans que la famille du défunt n’en soit informée.

Paris, 4 avril 2023 – Une nouvelle étape semble être franchie dans la répression des bahá’ís d’Iran : la dépouille d’un bahá’í a été enterrée le 30 mars au-dessus d’une fosse commune à Khavaran, près de Téhéran, par un agent du ministère du renseignement, sans que la famille du défunt n’en soit informée et en violation des pratiques bahá’íes en matière d’enterrement.

Cet agent avait exigé que la famille paie une somme exorbitante pour que l’enterrement se fasse dans des parcelles appartenant déjà à la communauté bahá’íe et gérées par elle. Il avait menacé la famille, si elle ne répondait pas à ses exigences, d’enterrer le défunt sur un site adjacent utilisé auparavant par le gouvernement pour l’enterrement des prisonniers politiques exécutés.

Au cours du week-end, le même agent de renseignement a menacé d’enterrer un autre bahá’í dans les mêmes circonstances si la famille du défunt refusait également de se plier à ses exigences.

Selon Hamdam Nadafi, porte-parole des bahá’ís de France, « ces agissements confirment une fois de plus la justesse des propos de Heiner Bielefeldt, un ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction en Iran, qui avait constaté que les bahá’ís en Iran étaient persécutés ‘depuis le berceau jusqu’à la tombe, et au-delà.’ En Iran, la répression systématique et réfléchie des bahá’ís est un fait accompli, de sorte que l’acharnement des autorités sur les morts bahá’ís dépasse l’entendement. C’est comme s’il fallait d’année en année inventer un raffinement supplémentaire ; les autorités ont trouvé celui-ci à l’encontre des familles : qu’un proche décédé soit enterré sans qu’elles le sachent, sans donc sépulture bahá’íe, et de surcroît dans une parcelle déjà occupée par d’autres dépouilles. »

Le précédent cimetière bahá’í de Téhéran, un site magnifique d’environ 80 000 mètres carrés aménagé avant la révolution islamique de 1979, a été confisqué dès 1980. Le maire adjoint de Téhéran a ensuite concédé à la communauté un terrain stérile plus petit, adjacent à une fosse commune.

Aujourd’hui, les bahá’ís se voient demander des frais élevés pour enterrer leurs morts dans leur propre cimetière et sont empêchés de le faire selon les pratiques funéraires bahá’íes. Le personnel des cimetières bahá’ís a été emprisonné et des membres de familles endeuillées ont même été menacés d’emprisonnement.

De nombreux autres cimetières bahá’ís en Iran ont été confisqués ou profanés au cours des 40 dernières années durant lesquelles les bahá’ís ont constamment été confrontés à des problèmes de sépulture.

Il y a deux ans, la campagne de persécution systématique de 43 ans visant les bahá’ís a franchi une nouvelle étape quand les autorités ont voulu les empêcher d’utiliser leur partie du cimetière de Khavaran et ont exigé qu’ils utilisent un site adjacent déjà utilisé comme fosse commune. Mais par respect pour les morts enterrés dans cette parcelle et pour les familles en deuil, les bahá’ís ont refusé.

En début de semaine, alors que les bahá’ís voulaient enterrer M. Behzad Majidi, un membre éminent de la communauté, dans le cimetière appartenant aux bahá’ís, l’agent du ministère des renseignements, un nommé Masoud Momeni, a tenté de leur extorquer une somme exorbitante pour les laisser faire. Les bahá’ís ont refusé par principe, car d’autres communautés minoritaires possédant des parcelles dans le même grand complexe n’ont pas à payer de tels frais. Les bahá’ís ne pouvaient donc plus utiliser leur propre cimetière pour cette raison.

M. Momeni, qui, en avril 2021, a privé la communauté bahá’íe du contrôle de la gestion de son cimetière et dont l’affiliation au ministère du renseignement a été révélée par le personnel de la municipalité de Téhéran, a ensuite enterré M. Majidi par-dessus la fosse commune sans respecter les pratiques funéraires bahá’íes ni informer ses proches, les privant ainsi de la possibilité d’assister à l’enterrement.

M. Momeni a également demandé aux employés du cimetière d’enlever les barrières de séparation entre le cimetière bahá’í et la fosse commune, ce qui constitue une nouvelle tentative d’effacer la propriété et l’identité du cimetière bahá’í.

« En contraignant les bahá’ís à être enterrés là où reposent déjà des milliers d’autres, le gouvernement cherche à porter atteinte non seulement aux bahá’ís mais aux familles des défunts qui reposent dans ces fosses communes, remarque Hamdam Nadafi. Les bahá’ís n’acceptent ni le traitement qui leur est infligé, ni encore moins celui de devoir profaner des tombes et affliger d’autres familles. C’est donc par un ferme refus de principe qu’ils ont répondu aux autorités iraniennes relativement à ces nouvelles contraintes. »

Ce dernier épisode de la persécution de la communauté bahá’íe iranienne, qui a visé des individus alors même qu’ils pleuraient la perte d’êtres chers, survient dans un contexte où des centaines de familles à travers l’Iran déplorent la perte d’un grand nombre de vies humaines.

Historique

  • Avant la révolution, la communauté bahá’íe de Téhéran possédait un cimetière d’environ 80 000 mètres carrés, magnifiquement aménagé et digne. En 1980, ce cimetière bahá’í central de Téhéran a été confisqué. Le gouvernement a alors nivelé le terrain, où plus de 15 000 personnes avaient été enterrées, enlevant les pierres tombales et vendant celles qui avaient de la valeur. Dans les années 1990, la profanation du cimetière s’est poursuivie lorsque les corps des bahá’ís ont été exhumés et ignominieusement chargés sur des camions. Des bulldozers ont ensuite été utilisés pour dégager le terrain en vue de la construction du « Centre culturel de Khavaran ».
  • Le directeur exécutif de l’organisation Behesht-e Zahra (qui gère le grand cimetière de Khavaran à Téhéran) a annoncé plus tard qu’en remplacement, une parcelle de terrain stérile de 27 000 mètres carrés sans aucune installation, avait été légalement transférée à la communauté bahá’íe. À grands frais, la communauté y a planté un espace vert, installé une morgue, un mur d’enceinte et des portes d’entrée et de sortie sur la route de Khavaran. D’autres communautés minoritaires disposent également de cimetières distincts au sein de ce même vaste complexe. Le nouveau cimetière bahá’í se trouve entre le cimetière arménien et une fosse commune, dernière demeure de milliers de victimes politiques exécutées dans les années 80 par la République islamique.
  • Tenter de faire payer aux bahá’ís endeuillés des sommes exorbitantes pour utiliser le cimetière de Téhéran, qui leur appartient, puis, lorsqu’ils refusent de payer par principe, enterrer les défunts dans la fosse commune des années 1980, c’est, à la fois, vouloir effacer la mémoire de milliers de victimes politiques et infliger un préjudice supplémentaire à la communauté bahá’íe iranienne déjà bien persécutée.
  • Depuis le début de la révolution islamique en 1979, le gouvernement iranien a entravé, voire bloqué, la possibilité pour les bahá’ís d’enterrer leurs morts.
  • Les pratiques bahá’íes en matière d’enterrement et de funérailles exigent que le défunt soit traité avec dignité et respect et qu’une prière spécifique soit lue, ce qui n’a pas été le cas pour M. Majidi.
  • Depuis 1979, les bahá’ís sont systématiquement persécutés en Iran : ils sont détenus arbitrairement, condamnés à des peines de prison sur la base d’accusations sans fondement, privés d’éducation et de moyens de subsistance, leurs maisons sont confisquées et détruites, ils font l’objet de discours haineux et leurs tombes sont profanées, dans le cadre d’une campagne visant à les supprimer en tant qu’individus et en tant que communauté.

 

CONTACT PRESSE :
Bureau des affaires extérieures des bahá’ís de France
baebf@bahai.fr

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