La répression des bahá’ís en Iran s’accentue : les sépultures et les morts de plus en plus visés

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PARIS, publié le 1er juin 2021 – Courant avril 2021, les bahá’ís de Téhéran se sont vu imposer deux choix impossibles pour leurs inhumations. Le premier, d’enterrer leurs morts au-dessus d’une fosse commune où reposeraient des centaines, voire des milliers de dépouilles enfouies à la va vite après les exécutions sommaires des débuts de la révolution iranienne. Cette fosse hautement symbolique, située à Khavaran, au sud-est de Téhéran, abriterait aussi les dépouilles de 50 bahá’ís exécutés en raison de leur croyance, à la même époque. Le second choix consiste – on n’ose imaginer comment – à intercaler les nouvelles sépultures entre les tombes existantes des bahá’ís, à Khavaran, puisque tout autre lot leur est interdit.

Le cimetière de Khavaran, au sud-est de Téhéran
Le cimetière de Kharavan, au sud-est de Téhéran

C’est en 1981 après la profanation et la destruction du cimetière bahá’í de Téhéran qui comptait 15000 tombes, que des parcelles ont été attribuées aux bahá’ís à Khavaran, dans le lieu-dit « repère du diable ». Les parcelles auraient suffi aux besoins des bahá’ís pour les prochaines décennies. Toutefois, le gouvernement n’a jamais permis aux bahá’ís d’acheter ces lots, dont les prix de location n’ont cessé de croître. Puis l’autorité de gestion du cimetière a interdit aux bahá’ís l’accès aux parcelles qui leur avaient été précédemment attribuées et les a invités à exploiter les lots déjà occupés, sinon d’enterrer leurs morts dans la fosse commune qui se trouve à proximité. D’où ce dilemme que les bahá’ís n’acceptent pas en raison de la dignité que tout mort mérite.

France 24 a interviewé un journaliste pour Reporters sans frontières basé à Paris, dont quatre membres de la famille sont enterrés dans cette fosse commune. « Personne ne sait exactement quels prisonniers exécutés se trouvent ici, ni à quel endroit exactement », dit-il. « Les ‘mères de Khavaran’ visitaient ces fosses communes tous les vendredis et il y a un grand rassemblement des familles chaque premier vendredi de septembre, et ce, malgré les arrestations et les attaques violentes jusqu’en 2008. Depuis cette date, les services de renseignement ont interdit l’accès à une partie du cimetière de Khavaran, et les familles ne sont plus autorisées à s’y rendre. »

Selon la BBC, 79 membres de familles de prisonniers exécutés ont adressé une lettre conjointe au maire de Téhéran et au président Hassan Rouhani dans laquelle ils demandent : « n’obligez pas les baha’is d’enterrer leurs bien aimés dans la fosse commune. Ne frottez pas nos anciennes plaies avec du sel.»

Pour Amnesty international, « ces agissements s’inscrivent dans un contexte de violations des droits humains systématiques et généralisées contre des membres de la minorité baha’ie : arrestations et détentions arbitraires, fermetures de commerces, confiscations de biens, interdiction de travailler dans le secteur public, refus d’accès à l’enseignement supérieur et propos haineux dans les médias d’État, notamment. »

Selon Hamdam Nadafi, représentante du bureau des affaires extérieures des bahá’ís de France : « On ne peut nier que presque tous les indicateurs concernant l’oppression des bahá’ís d’Iran soient aujourd’hui au rouge vif. Prenons l’exemple du sort des défunts. Entre 2005 et 2012, 42 cimetières bahá’ís ont été vandalisés ou détruits, souvent au bulldozer. En 2014, le cimetière de Shiraz où 950 bahá’ís étaient enterrés, a donné place à un complexe sportif. Dans le petit village d’Ivel, le cimetière a été vendu aux enchères pour être transformé en propriété résidentielle. Mais aussi odieuses que soient ces profanations et destructions de sépultures, songez aux obstacles que rencontrent aujourd’hui les bahá’ís dans plusieurs villes pour simplement enterrer leurs morts. Par exemple, ces derniers jours, dans la grande ville de Tabriz, au nord-ouest iranien, les salles de lavement des morts sont interdites aux bahá’ís. De source certaine, nous pouvons confirmer que plusieurs ont dû, dans leurs maisons, leurs salles de bain, laver leurs êtres chers, n’ayant plus accès aux services publics. »

Pourquoi cet acharnement sur les morts ? Dans une intervention lors d’un colloque tenu au Palais du Luxembourg en 2015 sur les persécutions des bahá’ís en Iran, Claudine Attias-Donfut, alors Directrice de recherche au CNRS, a tenté d’y apporter une réponse : « Louis Vincent Thomas, célèbre anthropologue de la mort, a dit que le rite funéraire pourrait bien constituer la brèche anthropologique, ce par quoi l’homme accède à l’humain. Ainsi, poursuit-elle, le respect des morts, l’inhumation et le rituel autour de la mort font partie des constantes et des universels de l’humanité. Donc, ne pas les respecter, est-ce que cela signifie que l’on dénie la qualité d’humain à ceux qui en font ce sacrilège ? (…) Ces attaques de cimetières, c’est aussi une façon peut-être à la fois de nier l’humanité à autrui. Mais on pourrait dire aussi de perdre sa propre humanité, parce que les morts, quels qu’ils soient, ont droit au respect. »

Pour l’instant, après une vive réaction internationale, les autorités iraniennes, soufflant le chaud et le froid, ont permis l’inhumation de quelques bahá’ís dans les parcelles qui leur avaient été précédemment attribuées à Khavaran.

Et Hamdam Nadafi de conclure : « Les bahá’ís constituent le groupe le plus important parmi les minorités religieuses non musulmanes en Iran, et n’aspirent qu’à pouvoir contribuer librement au développement de leur pays. Ils ne se tournent vers la communauté internationale qu’après avoir frappé à toutes les portes des autorités iraniennes, en interne. »

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Documentation détaillée sur la situation : https://www.bahai.fr/actualites/situation-bahais-iran/

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Contact : Bureau des affaires extérieures des bahá’ís de France – 45 rue Pergolèse – 75116 PARIS – 01 45 00 69 48

 

 

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